melty VS webedia : qui sera le futur Disney des millenials ? — RETROSPECTIVE

Nous sommes en 2007, à Paris, lorsque deux entrepreneurs Français, Cédric Siré et Guillaume Multrier, décident de créer des start-up dédiées aux médias en lignes et à la communication.

La première, nommée Youmag, se présente comme un “moteur de news”. Il s’agit alors d’un agrégateur d’articles d’actualité et futur concurrent de Flipboard et Google News.

La seconde start up, intitulée Webedia, est une compagnie dédiée à la création, à la gestion et commercialisation d’espaces pour des sites internet dédiées à des verticales d’info divertissement, c’est à dire des sites d’actualités voués à divertir leur lecteur. Ses premiers sites sont puretrend, purepeople et purefans.

Pourtant, non loin de là, dans la banlieue parisienne, au Kremlin-Bicêtre, un jeune entrepreneur du nom de Alexandre Malsch, exécute son idée de créer un média d’info divertissement nommé melty, une évolution remaniée de son ancien site Actuados.fr. Au travers de sa société eeple, il travaille sur de multiples projets, dont un site de rencontre, une plateforme de réseautage social et un site d’actualité pour jeune nommé melty. Il faut dire que les médias d’info divertissement ne sont pas encore légions à l’époque, ou du moins, sur l’internet Français.

Aux États-Unis, les sites tels que Vice ou Buzzfeed commencent à voir grossir leur audience. The Walt Disney Company investira d’ailleurs dans l’entreprise Vice Media à coup de millions. Personne ne pouvait alors deviner que Webedia et melty allaient se livrer pendant une décennie une bataille pour la conquête de l’attention virtuelle des Français. Alors, laissez-moi vous raconter l’odyssée de ces deux entreprises. Spoiler : à la fin, il n’en restera qu’une. Voici une odyssée interactive.

2007 à 2012 : A la recherche de l’équilibre

C’est après le succès d’audience de melty.fr que l’équipe d’eeple dirigée par Alexandre Malsch décide de se séparer de son rêve de concurrencer les réseaux sociaux et les plateformes de blog. En effet, Board, leur site qui mélange réseau social et plateforme de blog, n’a pas le succès escompté.

L’Énergie de la jeune compagnie se dirigera donc vers melty, son produit phare, et la création d’un CMS MVC fait maison. Pour cela, la start up recrute sa première salariée, Pascale Erblon, qui aura pour mission de construire la ligne éditoriale de melty. La ligne directrice de l’entreprise est claire : faire du clic, par tous les moyens possibles, histoire d’exister dans les référencements organiques de Google. La tâche est complexe, sachant qu’à l’époque, les rédacteurs doivent écrire directement leurs articles en html car les outils de rédactions ne sont pas encore développés.

Le site à soif de contenu, et demande un investissement considérable en articles d’actualités. Car les jeunes, qui sont la cible du site, demandent encore et encore de nouveaux snack contents à dévorer sur leur séries favoris ou sur la dernière télé réalité à la mode. Pour ce faire, l’entreprise emploiera une armée de stagiaires dédiée à la rédaction de contenus. En face, chez Webedia, l’idée est la même. Créer une galaxie de sites internet alimentée par le contenu de stagiaires et des free-lance. Faire cliquer le lecteur, l’attirer via un titre racoleur et lui faire cracher son temps de cerveau disponible.

Parce que melty et Webedia ne sont pas dupes : pour se développer, ils nécessitent une, voire plusieurs levées de fonds. Mais ces levées de fond ne seront accessibles que grâce à la croissance de leurs chiffres d’affaire. Donc par une croissance du nombre d’affichage de publicités.

A cette époque, Webedia a déjà plus de moyens que melty. En effet, l’un des cofondateurs de l’entreprise, Guillaume Multrier, a fait connu un succes avec son entreprise Bananalotto.fr. Webedia passera donc par la case croissance externe, en rachetant des sites. Ozap sera racheté à M6 web et rebrandé Puremedias, et Shopoon sera racheté à la redoute pour et rebrandé PureShopping.

On aura également le lancement des sites PureCine et Purecharts chez Webedia. L’idée est claire, créer une galaxie de site Pure avec un site par thématique. Puis faire grossir son audience et vendre des espaces publicitaires.

C’est une stratégie similaire à ce que fait melty. Melty, qui constate le succès de webedia dans la diversification de ses thématiques, créé meltyFashion, meltyBuzz, et MeltyStyle. Respectivement dédiées aux audiences féminines, aux buzz et aux audiences masculines.

A ces sites d’ajouteront de nouveaux sites meltyDiscovery, meltyFood et meltyXtrem au fil des années. Melty a néanmoins un argument stratégique à vendre à ses investisseurs: Shape. Il s’agit d’une suite d’algorithme capable de prédire les sujets tendances pour adapter sa ligne éditoriale.

On retrouve dans cette stratégie de diversification l’envie de porter une marque commune, à savoir melty et Pure, au travers de plusieurs verticales concises et dédiées à des audiences très segmentées et donc plus valorisées aux yeux des annonceurs. Mais l’année 2013 va tout changer pour Webedia.

2013 à 2015 : levées de fonds et stratégies opposées

Webedia est rachetée par la société Fimalac, la firme de Marc de Lacharrière.

L’énarque et milliardaire voit grand dans ce rachat, puisqu’il veut en faire l’un des champions européens de l’internet. Et Cédric Siré, voit lui aussi les choses en grand. Il ne voit plus Webedia comme une galaxie de site, mais comme un écosystème à part entière. Et pour ce faire, les moyens ne manque pas. Puisque Fimalac, à coups d’investissements, va propulser Webedia à la tête des éditeurs de sites web. Webedia, avec les fonds de Fimalac, rachètera en masse de nombreux sites internets dans toutes l’europe. En France, on notera le rachat du groupe Allociné et de ses succursales dans toutes l’europe: Sensacine en Espagne, FilmStarts en Allemagne, AdoroCinema au Brésil, Beyazperde en Turquie et Allociné en France.

On assistera aussi au rachat de Terrafemina, site d’actualité destiné aux femmes et concurrent du groupe AuFeminin.com qui appartient aujourd’hui au groupe TF1 via sa division Unify (revendue à Reworld Media). Sa verticale cuisine et gastronomie s’enrichie via le rachat de 750g.com et de l’académie du goût, ainsi que de multiples maisons d’éditions dédiées à la cuisine. Webedia investit dans le tourisme en s’adossant au géant EasyVoyage, et en s’offrant l’officiel des vacances et le bon guide. L’un des rachats qui a fait le plus de bruit : l’Odyssée Interactive et son site jeuxvideo.com racheté à Hi-Media. Dans le milieu du jeu vidéo également, la structure millenium sera racheté par Webedia pour le développement de son pôle e-sport. C’est également dans ce cadre de Webedia fera une succession d’acquisitions dans l’esport. À savoir Oxent, qui possède entre autres le site d’organisation de tournois Toornament.com et la compétition ESWC, mais aussi la structure de gestion de talents Bang Bang Management.

Dans sa lancé, Webedia annoncera le lancement de la version francaise d’IGN en partinariat avec Ziff Davis. Ainsi qu’un autre partenariat avec le PSG pour l’annonce de sa structure eSport. Mais webedia ne va pas des contenter d’investir dans l’édition de sites web thématiques. Il se lance également dans l’ecommerce avec ses marque WeAreFan, 31 m², Run Baby Run, Cézigue et in investissement en tant qu’actionnaire majoritaire dans Pour De Bon, qui s’ajoutent à PureShopping dans la panoplie webedia.

En 2014, c’est l’acquisition de MIXICOM, entreprise de production qui détient jeux actu et surtout des contrats de monétisation de célèbres youtuber via talentweb, qui va faire grand bruit. Depuis cette date, webedia abandonnera le label Mixicom pour celui de Talentweb, avec le quel il va unifier ses autres agences de gestion de talents telles que 3BlackDots, Allyance Network en Allemagne, Paramaker au brésil, Vizzen Espagne. Enfin, Webedia est le propriétaire de Diwanee, le webedia d’arabie saoudite, et Uturn, son talentweb local.. A noter que cette liste des rachats n’est pas complète car je souhaite vous montrer ici la portée de webedia à grande échelle. Melty, de son côté, fait une levée de fonds de 10,5 millions d’euros.

Un pari ambitieux, mais incomparable à la force de frappe du mastodonte Webedia désormais appelé Licorne, c’est à dire valorisé un milliard de dollars. Renommée successivement MeltyNetwork, puis meltygroup, la start up grandit jusqu’à son point culminant : exporter son modèle à l’internationale. Dans ses locaux du kremlin Bicêtre et à l’aide de partenariat avec des entreprises locales, Melty lance ses sites dans des pays tels que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Mexique, la Pologne, la Roumanie, le Maroc, la Tchéquie, la Turquie, le Brésil, le Canada anglophone et le Québec. Alexandre Malsch voit grand. Ses équipe aussi.

Son rêve est désormais de concurrencer Disney en lançant par exemple une chaîne sur la TV d’orange, amplifie sa présence sur les réseaux sociaux. L’entreprise fonde également diverses structures affiliées telles que melty eSport Club, sa team esport. Melty travaille également à lancer son propre réseau de talents sur le web avec la Melty Talent house en partenariat avec kisskissbankbank. Au niveau technologique, l’algorithme Shape perd de la vitesse contre les technologies de Webedia: les rachats d’autres start-ups dédiées à l’optimisation du contenu comme myposeo, Nuke Suite, Semantiweb écrasent peu à peu les ambitions de melty. Uptilab est absorbée par tradelab, et la régie publicitaire de melty ne peut rivaliser face aux ambitions démesurées de webedia.

2016 : Il n’en restera qu’un

Webedia continue son objectif d’expansion via des rachats externes pour dominer ses verticales. Le tout en contrôlant la quasi-totalité de la chaîne de production pour le web.

Conscient de son impact dans le milieu de l’audiovisuel, Webedia s’est offert Elephant, une société de production audiovisuelle, Creators Studios, un studio de production, et a fusionné ses actif Allociné et BoxOffice récemment rachetés pour fonder The BoxOffice Company, le concurrent direct de IMDB qui appartient à Amazon. Webedia s’est offert Full Fanthom Five, société d’auteurs aidant à la production. Concernent son écosystème web, webedia s’est racheté Weblogs, éditeurs des sites Xataka (actualité hightech), Directo al Paladar (cuisine) ou Trendencias (mode et beauté), qui vient compléter son portefeuille espagnol qui comportait déjà 3DJuegos et IGN Espagne. L’entreprise s’est également lancée dans le jeu mobile et publicitaire avec Scimob et Adictiz Webedia a également racheté Seelk, une agence spécialiste du retail media.

Mais le rachat qui a le plus de sens est celui de Quill. Qui est une entreprise qui commercialise des algorithmes de génération d’articles et de contenus orienté e-Commerce. Ce dernier rachat prend tout son sens si l’on se dit que Webedia voudra à terme générer une grosse majorité des contenus à faibles valeur ajouté par des algorithmes. On peut donc s’attendre à voir des articles d’actualité écrits par des robots.

Rien n’est moins sûr. De son côté, l’aventure melty vire au cauchemar : la société ferme un à un ses sites internationaux. Son club esport et son initiative talent house s’effacent également de ses objectifs. Melty ferme tour à tour ses sites Français. Il ne reste que le site melty ainsi que meltyfashion, rebrandé Shoko. Malgré sa présence sur Snapchat discover, melty peine à séduire de nouveaux investisseurs.

En 2017, Alexandre Malsch quitte le navire melty. Et la compagnie restera instable jusqu’en 2019, la société ayant changé trois fois de PDG en moins de 2 ans. Aujourd’hui, melty reprendre du poil de la bête en relançant ses verticales buzz, discovery et Food. Le lancement de meltyStore va également dans ce sens avec un premier pas léger dans l’eCommerce. Melty a pris en régie certains de ses partenaires tels que A4 social qui est derrière le site Buzzly et greenpills. Ainsi que de nombreux autres pureplayers.

Enfin, melty partage ses contenus avec Phenix Groupe pour les diffuser dans des écrans publicitaires citadins. Après un redesign de son site, melty travaille maintenant à pérenniser son activité (entre temps racheté par Reworld Media), tandis que webedia s’assure un avenir aux côtés de Fimalac.

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